Fiscalité carbone: l’Agence de la transition écologique (l’Ademe) recommande la fin des exonérations dans le transport.
« La valeur du carbone instituée aujourd’hui en France à travers les différentes politiques mises en œuvre est difficile à mesurer, bien que cette valeur implicite soit toutefois très inférieure à la valeur qui serait requise pour atteindre l’efficacité des politiques climatiques. » Tel est le postulat de base du rapport baptisé « Analyse des conditions de reprise d’une valeur équitable du carbone » et publié le 29 juillet par l’Agence de la transition écologique (Ademe). Un sujet qui a mobilisé durant l’année 2021 des chercheurs, parties prenantes et administrations publiques qui ont rendu leurs travaux résumés dans ce rapport.
Peu de perspectives d’évolution du régime européen
Ce rapport rappelle que le régime européen de fiscalité énergétique actuel comporte plusieurs limites. En l’état actuel, il « ne permet pas suffisamment de traiter et donc de faire reculer les émissions de gaz à effet de serre des secteurs non couverts par le SEQE : agriculture, bâtiment et transport, et reste trop favorable au charbon et à la consommation d’électricité. »
En mars 2020, la Commission européenne a lancé une consultation publique dans le cadre de la révision de la directive actuelle. « La révision de cette directive s’annonce toutefois particulièrement difficile parce qu’en matière de fiscalité, le Conseil de l’Union européenne doit statuer à l’unanimité et non pas à la majorité qualifiée. Chaque État membre dispose donc d’un droit de veto, ce qui rend très difficile toute décision dans ce domaine, et les perspectives d’évolution de cette règle de décision restent très minces pour le moment. »
Des exonérations peu efficaces
A l’échelle hexagonale, le rapport préconise de s’attaquer à différentes exonérations fiscales, taux réduits ou remboursements partiels dont bénéficient certains secteurs dont les transports. « Si la population doute de la finalité environnementale de la taxe, c’est aussi parce qu’elle l’estime peu efficace pour réduire les émissions. (…) Ce sentiment d’inefficacité est d’autant plus fort qu’il se double d’un sentiment d’injustice pour ceux qui ne peuvent échapper à la taxe : ces exonérations concernent des secteurs qui constituent les gros pollueurs dans l’imaginaire collectif (aviation, transport routier de marchandises, transport maritime et agriculture, notamment). »
La TICPE dans le viseur
Notamment dans le viseur du rapport : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont il estime qu’elle rend certains acteurs « insensibles » à la fiscalité carbone. « C’est le cas pour les secteurs qui en sont totalement exonérés, transport aérien hors aviation de tourisme, transport maritime et pêche, transport fluvial, notamment, mais aussi ceux qui bénéficient d’un remboursement partiel au-dessus d’un prix plancher, à l’instar des véhicules de transport routier de marchandises de plus de 7,5 tonnes – qui bénéficiaient en 2020 d’un remboursement du gazole au-delà d’un prix seuil de 0,4519 euro par litre – et des activités agricoles, qui bénéficient d’un remboursement partiel de la TICPE sur les achats de gazole non routier (GNR) ou gaz de pétrole liquéfié (GPL). »
Une réforme favorable au ferroviaire
Estimant le montant du remboursement de la TICPE du transport routier à 1,10 milliards d’euros, l’Ademe préconise sa suppression ou son maintien si une taxe kilométrique sur les poids-lourds est introduite. « Concernant le transport routier, une telle réforme est nécessaire pour rendre le transport ferroviaire plus compétitif et mieux internaliser le coût des infrastructures routières. »
Autre avantage observé par le rapport : une réduction de la distorsion de concurrence dans la mesure où « 75 % des poids-lourds étrangers circulant en France ne se fournissent pas en carburant dans le territoire national et le remboursement de TICPE bénéficie également aux poids lourds étrangers. »
Leave a comment